"La Musique met l'âme en harmonie avec tout ce qui l'entoure." Oscar Wilde
NINA SIMONE♥
Nina Simone - Feeling Good
Nina Simone - Just Like A Woman
Nina Simone - Turn Me On
Nina Simone - Blues For Mama
Nina Simone - My Baby Just Care For Me
Nina Simone - I Put A Spell On You
Nina Simone - Revolution
Nina Simone - Ain't Got No, I Got Life live London, 1968 - Dr Mandingua
Nina Simone - Tomorrow Is My Turn
Nina Simone - Here Comes The Sun
Nina Simone - Suzanne
Eunice Katleen Waymon a dix ans lorsqu’elle donne son premier concert au piano, dans l’église de la petite ville de Tryon, en Caroline du Nord, où elle est née en 1933.
Fiers
à juste titre, ses parents ouvriers se sont installés au premier rang,
pour écouter leur fille (ils ont sept autres enfants). Mais on les fait
déménager vers le fond, pour laisser la place à des blancs.
Cet
événement est fondateur, la petite Eunice en conçoit une rage sourde qui
la fera monter au créneau lors de la lutte pour les droits civiques, et
qui la laissera révoltée à jamais. Ce jour-là, elle refuse de jouer
tant qu’on n’a pas réintégré ses géniteurs à leur juste place, et jamais
plus, elle ne se laissera faire, même si la vie ne lui sera pas
toujours douce.
Casque d'or
À
huit ans, elle découvre le piano à l’église, puis prend des leçons
payées par l’employeur de sa mère comme femme de ménage, qui a entendu
parler de son don. À 17 ans, elle s’installe à Philadelphie où elle
donne des cours de piano et accompagne des chanteurs, pour financer ses
études de musicienne classique à la prestigieuse Juilliard School Of
Music de New York. Mais quand on est Noire, elle s’en rend bien compte,
la tâche est plus difficile encore.
C’est à Atlantic City, où
elle auditionne pour chanter dans un restaurant, que le patron lui
suggère fortement, si elle veut la place, de chanter en même temps
qu’elle joue. Nous sommes en 1954 et, pour que sa mère, fervente
méthodiste, ignore qu’elle joue la « musique du diable », elle se
choisit un pseudonyme : Nina, qui veut dire petite fille en espagnol, et Simone en hommage à l’actrice française de Casque d’or.
Dans ce bar, elle joue du jazz, du blues, un peu de classique, et se
forge petit à petit un réseau de spectateurs, qui la suivent de club en
club. C’est en 1958 qu’elle enregistre son premier disque, une reprise
de « Porgy & Bess », dont le bon accueil lui permet de signer avec le petit label Bethlehem Records.
Elle enregistre alors son premier album, Little Girl Blue, avec Jimmy Bond à
la basse et Tootie Heath à la batterie. Totalement inexpérimentée, elle
en cède tous les droits à son label en échange de 3000 dollars. Les
droits futurs du seul « My Baby Just Cares For Me » lui en auraient fait gagner un million, après que Chanel ait choisi cette chanson pour illustrer un spot dans les années 80, la remettant au goût du jour...
Les années Colpix
Elle
signe ensuite avec Colpix Records, un plus gros label, qui lui accorde
toute liberté dans le choix et la réalisation de ses chansons. Elle sort
entre 1959 et 1964 neuf albums chez Colpix, dont six live et une
compilation : à cette époque, Nina Simone poursuit
et ses études et son rêve d’instrumentiste classique, et elle chante de
la pop pour gagner sa vie. Ces albums sont des florilèges de
traditionnels, (« House of the Rising Sun » qu’elle reprend deux ans avant The Animals et
Bob Dylan), de standards qu’elle redessine de sa touche, avec quelques
compositions personnelles. Elle consacre également un album entier à ses
versions de morceaux de Duke Ellington.
Mais
en 1964, en plein mouvement des droits civiques, son militantisme est
réactivé et renforcé par la situation politique et par ses
fréquentations. Elle signe alors avec Philips, et sur son premier album
pour la marque alors hollandaise, Nina Simone In Concert, elle termine par une protest song de sa main, « Mississipi Goddam »,
un hommage au militant des droits civiques assassiné Medgar Evers et
une dénonciation des églises (et des enfants) brûlés par les membres du
Ku Klux Klan, à Birmingham (Alabama).
Nina chante le blues
Sortie
en single, la chanson sera boycottée dans de nombreux états du Sud des
USA. Devenue par son talent et son attitude une rare diva, à la fois
politique et artistique, Nina Simone poursuit
une carrière marquée par ses engagements, avec six albums chez Philips.
Elle chante dans les meetings, enchaîne les chansons féministes,
reprend le mythique « Strange Fruit » de Billie Holiday, et voue son art à la défense des droits de son peuple. Elle écrit, avec le poète africain-américain Langston Hughes (un ami), « Backlash Blues », pour son premier album chez RCA, en 1967, Nina Simone Sings The Blues. Chez RCA, ce sont huit albums (dont deux live) qu’elle va produire, jusqu’en 1974, avec nombre de chansons clés : « Young Gifted & Black », sur l’album de 1970 Black Gold (qui sera reprise par Donny Hathaway et par Aretha Franklin), et cette perpétuelle gravité qui fait que Nina Simone n’est pas une « entertainer » mais une véritable artiste à la profondeur inégalée.
À l’orée des années 1970, la vie de Nina Simone va
devenir compliquée. Elle quitte son pays pour s’établir un temps à La
Barbade. Mais son mari-manager d’alors prend ça pour une façon de
divorce ! Aussi elle n’a aucune idée de la manière dont sont (ou ne sont
pas) gérées ses affaires, et quand elle revient aux Etats-Unis, elle
réalise qu’elle encourt des poursuites pour des taxes et impôts non
payés. Elle doit alors fuir, vers La Barbade, encore, où elle réside
quelques années, en ayant une relation amoureuse avec le Premier
Ministre Erroll Barrow.
Ensuite, sur l’invitation de son amie Miriam Makeba,
elle s’installe au Liberia, puis elle vivra en Suisse, en Hollande
avant de se fixer dans le sud de la France en 1992, à Carry-Le-Rouet,
dans les Bouches-du-Rhône. Après son dernier album pour RCA, It’s Finished,
en 1974, elle attend quatre années avant de se laisser convaincre
d’enregistrer à nouveau, pour un petit label de jazz. Puis, elle
continuera, bon an mal an, à sortir des disques, dont plusieurs live,
puisqu’elle joue toujours sur scène pour un public fasciné par son aura
de diva. Son dernier album studio, A Single Woman, chez Elektra, date de 1993.
Nina à l'écran
Si Nina Simone garde
l’image d’une artiste solitaire, écorchée vive, son impact a été
phénoménal sur plusieurs générations. Pour preuve, on citera les samples
choisis ces dernières années par Timbaland, Common, Kanye West, Lil Wayne, Talib Kweli ou will.i.am (Black
Eyed Peas) dans son répertoire, pour construire leurs chansons. Elle
fut une interprète majeure, s’appropriant des standards avec une telle
force qu’elle les faisait siens, même en français, sa version de « Ne me quitte pas » de Jacques Brel est
incontournable. En grande prêtresse de la soul, elle a touché a tous
les genres, folk, jazz, blues, classique, avec un égal bonheur. Elle a
influencé radicalement nombre d’artistes d’aujourd’hui, de Mary J. Blige (qui devrait l’interpréter dans un biopic prévu pour 2009) a Alicia Keys ou Lauryn Hill, mais aussi eut un impact très fort sur John Lennon ou Jeff Buckley.
Sur scène, elle fut une performeuse hors pair, se lançant dans des
monologues enflammés. Quant à ses chansons, elles figurent au générique
de plusieurs dizaines de films.
Après cette vie parfois chaotique
(souffrant d’un désordre mental, elle pouvait devenir agressive et tira
une fois sur le fils d’un voisin qui troublait sa concentration, une
autre fois sur un employé de maison de disques qu’elle soupçonnait
d’irrégularité sur ses royalties), cette rage dévorante contre
l’injustice (elle était partisane d’une révolution dure, et opposée au
pacifisme de Martin Luther King, à qui elle rendit pourtant souvent hommage), Nina Simone aura
marqué le vingtième siècle, et inscrit son nom au panthéon des artistes
majeurs. Elle décède en 2003, dans son village près d’Aix-en-Provence,
d’un cancer du sein, à l’âge de 70 ans. Ses cendres seront éparpillées
dans divers pays africains.
Jean-Eric Perrin®
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